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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/718

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de Sainte-Hélène. Furieux de cet échec, il a imaginé un expédient qui lui a réussi ; il s’y est arrêté d’après la connaissance de mon caractère : il m’a fait savoir que défense m’était faite de sortir de Longwood : c’étaient des arrêts illimités, sans motifs. J’ai couru aux Briars pour soumettre l’affaire à l’amiral Plampuin, qui ne m’a point reçu et m’a fait dire qu’il ne voulait pas me voir. Alors j’ai envoyé ma démission au gouverneur ; je l’ai adressée également au général Bertrand en la motivant.

14. — L’Empereur a demandé à me voir. « Eh bien ! me dit-il, vous allez nous quitter ? L’Europe ne comprendra pas ces affreuses persécutions contre mon médecin. Soumettez-vous, vous ne pouvez résister utilement. Je vous remercie de vos soins et des preuves de votre at tachement ! Quittez vite ce séjour de ténèbres et de fureurs ; je vais mourir sur ce grabat, détruit lentement par la maladie, sans secours ; ma mort sera la honte éternelle du nom anglais. Adieu ! adieu ! O’Méara[1] ! »

Le gouverneur ne réussira pointa faire recevoir à Longwood un autre médecin.

Les commissaires étrangers lui ont fait des représentations très-énergiques. « Si Napoléon meurt dans les mains d’un officier de santé nommé d’office, que dira-t-on en Angleterre, en France, en Europe ? »

J’ai appris qu’il y avait eu à Plantation-House des discussions très-violentes. Le gouverneur, dans un débat très-vif avec M. Sturmer, est tombé dans un accès de frénésie. Le baron a mené Son Excellence devant une glace et lui a dit froidement de regarder ses traits. Il a ajouté qu’il ne pourrait donner à sa cour un récit vrai de ce qui a lieu à Sainte-Hélène, qu’en lui envoyant l’esquisse de ce qu’il avait sous les yeux.

Le gouverneur m’a fait mettre aux arrêts : j’y suis resté vingt-sept jours. Dans l’ordre de ma mise en liberté, le gouverneur a été obligé de reconnaître ma qualité de médecin de Napoléon.

L’Empereur est toujours malade ; son état empire. Les habitants de Sainte-Hélène sont indignés.

16. — Une proclamation de sir Hudson interdit de nouveau aux habitants, aux officiers de tout grade de correspondre avec les Français. J’ai eu un nouvel entretien avec l’Empereur. Il a réfuté des assertions fausses de M. Ellis, insérées dans le récit d’une conversation qu’il a eue avec l’Em-

  1. Napoléon me parlait fréquemment en italien ; mais quand la conversation s’élevait, il s’exprimait en français.