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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/732

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rait pas son pied. Il était dans cette disposition d’esprit lorsqu’on lui annonça notre arrivée. « Allez, dit-il au grand maréchal, voyez quels hommes on m’envoie ; voyez surtout le physiologiste. » Bertrand vint avec un air peiné. Il invita Buonavita à le suivre et nous pria d’attendre.

Je ne savais qu’augurer d’une réception si singulière ; j’étais stupéfait, Vignali n’était pas mieux lorsque le général reparut. Je passai avec lui dans la pièce voisine. Il me fit asseoir, me demanda depuis combien de temps j’étais parti de Rome, si je connaissais la famille de l’Empereur, comment étaient madame Mère, le cardinal, Lucien, Pauline, elc. ; comment j’avais été choisi pour venir, en quelle qualité j’arrivais, où j’avais pratiqué, si j’avais une lettre, quelque chose à dire à Napoléon de la part des siens, quel motif m’avait déterminé à quitter l’Italie pour cet écueil, qui j’avais vu pendant le trajet de Rome à Londres, qui j’avais fréquenté dans cette capitale, et ce qu’on m’avait dit ? Je satisfis à toutes ces questions, et j’eus l’honneur d’être présenté à madame la comtesse, qui s’entretenait avec le docteur Verling et l’abbé Buonavita. Elle m’accueillit avec bonté et me demanda quelques détails sur les pays que nous avions parcourus. Vignali eut son tour. Il fut comme nous interrogé, présenté et accueilli. On nous servit à souper, on nous donna des appartements ; je me déshabillais lorsque je vis une seconde fois le comte Bertrand paraître. Il me pria de passer chez le général Montholon, il avait quelque chose à me dire. J’allai, je ne comprenais rien à cet entretien inouï. Je ne tardai pas néanmoins à me remettre. Je répondis qu’un noble orgueil m’avait seul conduit à Sainte-Hélène, que j’avais eu l’ambition d’être utile au plus grand homme du siècle ; qu’aucun sacrifice ne m’avait coûté dès qu’il avait été question de l’Empereur ; que j’en ferais un autre si mes services n’étaient pas agréés ; que je me rembarquerais immédiatement pour l’Europe. Je me retirai. Je n’avais plus ni sommeil, ni fatigues, la conversation avait tout dissipé. Je trouvai dans l’antichambre le cuisinier Chandelier, qui, n’ayant pas encore de logement, me demanda à y passer la nuit. Je ne pouvais fermer l’œil, j’étais curieux de savoir si la réception que j’avais reçue s’était étendue jusqu’à lui. Il me répondit qu’il avait été accueilli par ses camarades, qui cependant lui avaient adressé force questions sur notre voyage, les personnes que nous avions vues, et les nouvelles que nous avions entendu raconter. Il ajouta que l’Empereur l’avait fait appeler ainsi que Coursaut ; qu’il s’était informé de ce qu’on disait à Rome du choix du médecin, de celui des prêtres, de ce qu’ils en avaient vu, en-