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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/739

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lui avez-vous répondu ? — Qu’on n’en doutait pas, qu’on ne pouvait en douter, que les rapports d’O’Méara, de Stokoe ne le permettaient pas. — Que vous a-t-il dit à cela ? — Que ces rapports étaient inexacts, qu’il venait de recevoir des nouvelles positives, que vous jouissiez d’une santé parfaite, que nous pouvions l’écrire à Rome. — Combien de fois l’avez-vous vu ? — Trois ou quatre. — Vous êtes-vous présenté chez lord Holland. — Le prince de Canino m’avait donné une lettre de recommandation pour Sa Seigneurie. — Avez-vous été bien reçu ? Milady vous a-t-elle accueilli ? — On ne peut pas mieux. — Milord habite-t-il Londres ? vit-il à la campagne ? — Il réside à quelque distance de la capitale. — Vous avez vu souvent O’Méara, n’est-il pas vrai ? — Tous les jours. — Que vous a-t-il dit de moi, de ma mala die ? » Je lui résumai ce qui se trouve dans les rapports. « Est-il content de moi ? — Parfaitement, Sire. — Racontez-moi en détail ce que vous avez vu et fait pendant votre séjour à Londres. » Je lui fis l’historique qu’il désirait ; il recommença ses questions. « Londres est une bien grande ville, n’est-il pas vrai ?.— Elle est aussi peuplée que vaste. — Avez-vous été à Paris ? — Je n’ai jamais vu la France. — C’est bien. Allez voir le général Montholon ; demandez le médecin qui le soigne, et consultez-vous avec lui avant qu’on le rappelle. Sachez quelles sont les maladies qui règnent dans ces climats. Cette île est un monde tout à fait nouveau. Vous avez besoin des conseils de ceux qui l’ont étudiée. »

Je fus rappelé au bout de quelques heures. L’Empereur était dans son salon qu’éclairait à peine la faible lueur d’une bougie. Il m’adressa quelques questions sur les objets dont nous nous étions entretenus quelques instants plus tôt : puis il se mit à parler d’anatomie, de physiologie, des phénomènes de la génération. Sa discussion était savante, juste, précise, elle étincelait d’aperçus nouveaux. Il me fit subir par forme de conversation un examen rigoureux qu’il prolongea plus d’une heure. J’eus le bonheur de lui répondre d’une manière qui le satisfit. Il me congédia en me disant les choses les plus flatteuses et les plus aimables. Le comte Bertrand assista à cette longue conférence.

23. — Je me suis rendu auprès de l’Empereur. Il reposait sur un lit de campagne, la pièce était éclairée ; j’ai pu observer les progrès du mal.

Pendant que j’analysais ces symptômes, l’Empereur ne discontinuait pas ses questions. Elles étaient tantôt sombres, tantôt plaisantes. La bonté, l’indignation, l’enjouement se peignaient tour à tour dans ses