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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/778

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Le métier cst Irop rude ; je n’en puis plus. Mes mains me font mal. « A la prochaine fois. » Et il jeta la bêche. « Vous riez, me dit-il, je vois ce qui vous égaye, mes belles mains, n’est-ce pas ? Laissez : j’ai toujours fait de mon corps ce que j’ai voulu, je le plierai à cet exercice. » En effet, il s’y habitua. Il charriait, faisait transporter la terre, mettait tout Longwood à contribution. Il n’y eut que les dames qui échappèrent à la corvée ; encore avait-il peine à s’empêcber de les mettre à l’œuvre. Il les plaisantait, les pressait, les sollicitait ; il n’y avait sorte de séductions qu’il n’employât, auprès de madame Bertrand surtout. Il l’assurait que cet exercice valait mieux pour la santé que les remèdes.

Tout eut bientôt changé de face. Là était une excavation ; ici un bassin, une chaussée. Nous fimes des allées, des grottes, des cascades, le terrain prit de la vie, du mouvement. Ce ne fut que saules, chênes, pêchers ; nous ménageâmes de l’ombre autour de l’habitation. Nous avions achevé l’agréable ; nous travaillâmes à l’utile. Nous divisâmes la terre, l’ensemençâmes de haricots, de pois, de plantes potagères.

Le gouverneur entendit parler de nos plantations. Elles lui parurent suspectes. Ce mouvement devait cacher une conspiration, il accourut. Je faisais ma promenade accoutumée ; il m’aperçut, pressa le pas et me joignit. « C’est vous qui avez conseillé ce violent exercice au général Bonaparte. » J’en convins. Il leva les épaules. « S’exterminer,