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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/797

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avions revêtu le bassin avec un mastic à base de cuivre ; il avait corrompu l’eau. Nous-retirâmes les poissons qui avaient survécu, nous les mimes dans une cuve.

11, 12. — L’Empereur est triste, abattu, il éprouve une grande prostration de forces.

14. — Après avoir pris son bain d’eau salée, l’Empereur s’est trouvé plus fort et plus dispos ; il est encore revenu sur l’Italie et s’est beaucoup étendu sur Oriani. « C’est le plus grand géomètre qu’il y ait eu. » Il l’avait accueilli, protégé, recommandé à Brune lorsqu’il partit pour l’expédition d’Égypte. Il lui avait écrit dès qu’il était entré à Milan, il avait voulu honorer dans sa personne tous ceux qui cultivaient les sciences en Italie.

Napoléon avait conservé un souvenir tout particulier de ce savant célèbre ; il en parlait souvent, et se plaisait à revenir sur les détails de la première audience qu’il lui avait donnée. Il le voyait encore ému, troublé, ébloui par l’appareil de l’état-major. Il avait eu beaucoup de peine à le calmer. « Vous êtes au milieu de vos amis ; nous honorons le savoir, nous ne voulons que lui rendre hommage. — Ah ! général, pardonnez ; tant de pompe me confond ; je n’y suis pas accoutumé. » Il se remit cependant, et eut avec Napoléon une longue conversation qui le jeta dans un étonnement dont il fut bien plus longtemps à revenir. Il ne concevait pas comment à vingt-six ans on pouvait avoir acquis tant de gloire et de science.

16. — L’Empereur descend au jardin ; il est faible, hors d’état de marcher ; je le soutiens ; il gagne un siége, et semble se remettre d’un long effort. « Docteur, me voilà donc à bout ? Plus d’énergie, plus de force, je plie sous le faix. » J’allais lui répondre, il me prévint. « Je dois guérir, n’est-ce pas ? Un médecin mourrait plutôt que de ne pas soutenir à un agonisant qu’il n’est pas malade. — Non, Sire ; mais quand la vie est encore intacte… — Elle ne l’est plus, je m’éteins ; je le sens, mon heure est sonnée. »

Il se leva, je le reconduisis. Il se met au bain où il reste une heure. L’atonie devient générale, la douleur au foie se fait sentir avec violence ; elle s’étend sur la région épigastrique.

19. — L’Empereur visite ses poissons, fait un tour dans le jardin, monte en calèche, et n’a pas gagné le parc, qu’il rentre déjà.

L’Empereur n’avait plus ni force ni énergie. Le besoin de sommeil le dominait ; il éprouvait une lassitude qu’il ne pouvait vaincre. « Docteur, quelle douce chose que le repos ! Le lit est devenu pour moi un