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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/836

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gélatine, qu’il a rendues vers les dix heures. Il ne peut fermer l’œil pendant une grande partie de la nuit.

23. — L’empereur ne s’est endormi qu’à deux heures du matin ; encore son sommeil a-t-il été de courte durée.

Il se réveille, la fièvre diminue. Somnolence continuelle.

Il prend un peu de nourriture, quelques gouttes de café, défend la porte de son appartement. Il reste enfermé avec MM. Montholon et Marchand jusqu’à cinq heures et demie. Il a beaucoup écrit, il est fatigué.

Il prend un peu de nourriture qu’il rejette, et s’endort. Son sommeil dure toute la soirée.

24. — L’Empereur a bien passé la nuit. Il dormait encore à sept heures. Il s’est éveillé dans un état de faiblesse extrême. La chaleur est à peu près naturelle, et le pouls, encore un peu fébrile, varie de soixante-dix-huit à quatre-vingt-deux pulsations par minute.

L’Empereur fait de nouveau défendre la porte de son appartement, reste enfermé avec le général Montholon et Marchand jusqu’à six heures. J’entre : « J’ai trop écrit, docteur ; je suis affaissé, je n’en puis plus. »

Loquacité continuelle.

Napoléon parle des cultes, des dissensions religieuses, et du projet qu’il avait formé de rapprocher toutes les sectes. Il n’a pu l’exécuter, les revers sont venus trop tôt ; mais du moins il a rétabli la religion ; c’est un service dont on ne peut calculer les suites ; car enfin, si les hommes n’en avaient pas, ils s’égorgeraient pour la meilleure poire et la plus belle fille.

25. — L’Empereur n’a pas clos la paupière.

26. — Nuit fort agitée. L’Empereur parle beaucoup : délire qui se prolonge jusqu’à minuit. Napoléon se trouve un peu mieux au point du jour, et s’endort. Il se réveille à huit heures.

Le grand maréchal me fait demander : j’y vais. C’est pour m’annoncer que l’Empereur l’a chargé de me dire qu’il ne m’a pas compris dans son testament ; mais que son intention est de me laisser 200.000 fr.

L’Empereur est sur son lit de mort ; il me témoigne beaucoup de bienveillance. « Que croyez-vous que je doive donner au médecin anglais, eu reconnaissance des visites qu’il m’a faites avec vous ? Je n’oserais assigner des bornes à la munificence de Votre Majesté. — Pensez vous que 500 louis soient assez ? — Oui, Sire, je le crois. — Eh bien ! je lui laisse 12.000 francs ; à vous, je vous en lègue 100.000… » Je