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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/881

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histoire, l’historien de la Révolution française, M. Thiers ! Celui-là sait très-bien ce que doit la France à la mémoire du héros, et qu’il y allait de la renommée du dix-neuvième siècle à réparer les cruautés, les lâchetés, les trahisons, dont Sa Majesté l’Empereur et roi avait été la noble et royale victime. À ces causes, M. Thiers se chargea de réclamer à l’Angleterre, comme une dette inaliénable et sacrée, le cercueil de Sainte-Hélène. Il avait été facile au ministre de s’assurer, dans une première conversation avec lord Granville, et dans une seconde conversation à Londres, entre M. Guizot et lord Palmerston, que la France pourrait obtenir toute satisfaction. Notre ambassadeur put répondre presque immédiament à M. le président du Conseil que la demande du gouvernement français était officiellement agréée. En effet, le 12 mai 1840, M. de Rémusat, ministre de l’intérieur, vint à la Chambre des Députés pour lui faire connaître la démarche du gouvernement et l’acceptation du cabinet anglais.

Le jeune ministre s’exprima en ces termes :

« Messieurs, le roi a ordonné à S. A. R. Monseigneur le prince de Joinville de se rendre avec sa frégate à l’île Sainte-Hélène pour y recueillir les restes mortels de l’Empereur Napoléon.

« La frégate chargée des restes mortels de Napoléon se présentera, au retour, à l’embouchure de la Seine ; un autre bâtiment les rapportera jusqu’à Paris : ils seront déposés aux Invalides. Une cérémonie solennelle, une grande pompe religieuse et militaire inaugurera le tombeau qui doit les garder à jamais.

« Il importe, en effet, Messieurs, à la majesté d’un tel souvenir, que cette sépulture auguste ne demeure pas exposée sur une place publique, qu’elle soit placée dans un lieu silencieux et sacré, où puissent la visiter avec un recueillement tous ceux qui respectent la gloire et le génie, la grandeur et l’infortune.

« Il fut Empereur et Roi ; il fut le souverain légitime de notre pays. À ce titre, il pourrait être inhumé à Saint-Denis ; mais il ne faut pas à Napoléon la sépulture, ordinaire des rois : il faut qu’il règne et commande encore dans l’enceinte où vont se reposer les soldats de la patrie, et où iront toujours s’inspirer ceux qui seront appelés à la défendre. Son épée sera déposée sur sa tombe.

« L’art élèvera sous le dôme, au milieu du temple consacré par la religion au Dieu des armées, un tombeau digne, s’il se peut, du nom qui doit y être gravé. Ce monument doit avoir une beauté simple, des formes grandes, et cet aspect de solidité inébranlable qui semble