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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/882

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braver l’action du temps. Il faut à Napoléon un monument durable comme sa mémoire.

« Le crédit que nous venons demander aux Chambres a pour objet la translation aux Invalides, la cérémonie funéraire, la construction du tombeau.

« Nous ne doutons pas, Messieurs, que la Chambre ne s’associe avec une émotion patriotique à la pensée royale que nous venons exprimer devant elle. Désormais la France, et la France seule, possèdera tout ce qui reste de Napoléon : son tombeau, comme sa renommée, n’appartiendra à personne qu’à son pays.

« La monarchie de 1830 est, en effet, l’unique et légitime héritière de tous les souvenirs dont la France s’enorgueillit. Il lui appartenait, sans doute, à cette monarchie qui la première a rallié toutes les forces et concilié tous les vœux de la révolution française, d’élever et d’honorer sans crainte la statue et la tombe d’un héros populaire ; car il y a une chose, une seule, qui ne redoute pas la comparaison avec la gloire, c’est la liberté. »

À cette nouvelle inattendue, la Chambre entière se lève dans un transport unanime d’enthousiasme et d’orgueil. C’était, dans la soirée, l’événement de tout Paris, et, quelques jours après, celui de la France entière ; car la tendresse mêlée de fierté pour la mémoire de l’Empereur, pour le souvenir des grandes choses qu’il a faites, est encore un des sentiments les plus vifs et les plus populaires du pays. Un crédit d’un million fut voté par les Chambres pour la translation des restes mortels de l’empereur Napoléon et pour la construction de son tombeau. Les personnes chargées de la mission de Sainte-Hélène furent aussitôt désignées. Il y eut d’abord une foule de candidats ; mais parmi ces nobles ambitions, il y en eut bien peu qui furent acceptées ; si on l’eût écoutée, toute la France se serait portée au-devant du magnanime Empereur.

Le port choisi pour l’embarquement de la Commission fut Toulon, Toulon qui avait vu le général Bonaparte dans toute sa gloire d’Italie. Dès le lundi 6 juillet 1840, toutes les personnes composant l’équipage s’y trouvèrent réunies. M. le prince de Joinville arriva dans la matinée, déjà tout rempli de cette ardeur chevaleresque dont il a donné tant de témoignages. Un ordre du prince appela tout le monde à bord de la Belle-Poule pour le lendemain matin, à midi. On allait faire cinq mille lieues, pendant une absence de cinq mois, pour reprendre dans une terre étrangère les restes d’un homme qu’au mépris d’une parole sa-