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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/887

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destiné aux glorieux restes. La frégate quitta Cadix le 21 au matin ; le 24, elle était devant Madère, dont le climat est si suave, les sites si riches de végétation. La mission n’y resta que deux jours. Le 27, le pic de Ténériffe apparut avec ses montagnes noires et ondulées du côté de Santa-Cruz. Quatre jours furent consacrés à des excursions dans les parties élevées de l’île. On vit en courant Orotava, bâtie dans une délicieuse vallée ; Laguna, ville épiscopale ; son église possède une chaire en marbre blanc d’un goût exquis, supportée par les ailes déployées d’un séraphin. Les visiteurs furent de retour le samedi 1er août ; ils étaient tous épuisés par les courses à cheval, par les chutes, et par les quatre nuits passées sans sommeil dans les posadas.

A Ténériffe, l’équipage assista à une représentation du Domino Noir, traduit en espagnol. Le 2 août, à midi, on se remit en route. Le 20, la ligne fut franchie ; le 28, à sept heures du soir, la division mouillait dans la rade de Bahia, cette Bahia qui rappelle Saint-Pierre de la Martinique, avec ses coteaux couverts de jolies maisons, de jardins. À ce moment, vingt-sept jours s’étaient écoulés depuis le départ de Ténériffe. Rien n’avait interrompu la navigation, sauf quelques grenasses assez violentes devant les côtes du Brésil. Le lendemain, après les saints d’usage, l’expédition descendit à terre. C’était un jour solennel ; le Brésil célébrait la majorité de son empereur. Les quinze jours de cette relâche ne furent qu’une fête ; mais l’expédition avait hâte de la quitter et d’avancer de plus en plus vers son but. Bahia était la dernière relâche. On ne devait plus s’arrêter qu’à Sainte-Hélène, ce rocher maudit par un assassinat horrible, par un souvenir qui reste la honte de l’Angleterre, et qui témoignera avec tant d’autres qu’elle n’a eu ni foi dans sa parole, ni humanité dans sa politique. Le 10 septembre, on perdit de vue la terre ; le 20, le tropique du Capricorne fut dépassé. La traversée se poursuivait avec des chances variées, le plus souvent heureuses. Le vent, changeant tout à coup, éloigna plusieurs fois la frégate du point vers lequel elle courait. La patience des marins était sans cesse mise à l’épreuve par des vents debout, des brises molles, des calmes. Il fallut souvent aller 28 degrés de latitude pour trouver des brises favorables ; le temps se traînait. Bien que le spectacle de ces mers intertropicales fût magnifique, l’ennui s’emparait du cœur de ces envoyés de la France, ambassadeurs envoyés par elle à l’ex-Empereur, tombé de si haut, pour lui offrir non pas un trône, mais quelque chose de plus durable, une tombe éternelle comme son nom.

Ce ne fut que le lundi 5 octobre, après avoir repassé la ligne et après