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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/888

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six jours de calme, que la brise s’éleva enfin et que les voiles s’arrondirent. Le vent soufflait de l’arrière. Le 6, il fraîchit ; et le lendemain, le matelot qui veillait sur la vergue de misaine cria : Sainte-Hélène ! Sainte-Hélène ! On se rendit sur l’avant : chacun voulait voir des premiers cette terre, qui de loin produisait l’effet d’un brouillard. La distance à franchir était de vingt-huit milles. A sept heures moins un quart du soir, la nuit effaça le point qui avait été aperçu. On continua d’approcher. Le lendemain 8, dès quatre heures du matin, on reconnut les rochers de Sainte-Hélène, qui ressemblent, suivant la remarque de M. Emmanuel de Las-Cases, à une vaste tour sortie du sein de l’Océan. M. Arthur Bertrand, jeune homme né à Sainte-Hélène, élevé sur les genoux de S. M. l’Empereur, cherchait en vain à se reconnaître à l’aide des souvenirs de ses premières années ; il avait été, comme le disait sa noble mère, le seul Français qui eût débarqué dans l’île sans la permission du gouverneur. Le bâtiment avançait avec bonne brise. Les personnes qui étaient sur la dunette remarquèrent en même temps que l’arête de Barnes’Point dessinait un profil vigoureux qui ressemblait singulièrement à la figure de Napoléon, la mission apprit dans l’île que cette circonstance était souvent remarquée, digne reflet de cette grande figure ! Lorsqu’on dépassa Barnes’Point, le plateau de Longwood apparut dans toute sa largeur ; alors on aperçut le sommet des arbres à gomme qui en forment la lisière. Il était onze heures, et la corvette filait six nœuds. On distingua d’abord un beaupré, et successivement trois mâts, puis un pavillon : c’était un bâtiment anglais ; puis un nouveau beaupré avec deux mâts : c’était le pavillon de la France. On fit aussitôt le signal. La corvette s’avançait lentement vers le mouillage ; le vent venant tout à coup du nord, elle fut en un instant au large à plus de deux milles. A trois heures et demie, malgré les difficultés, elle abordait le mouillage, et l’ancre tombait.

L’expédition trouva à Sainte-Hélène l’Oreste, brick commandé par M. Doret. L’Oreste était parti le 31 juillet de Cherbourg, et allait à la Plata. Il apportait des nouvelles de France. Quatre heures sonnaient à l’horloge du bord. Toute la population était sur les quais. L’Oreste saluait la mission par des salves d’artillerie répétées. Le brick anglais le Dolphin hissa les couleurs de France et salua la frégate, qui lui rendit son feu. La mer se couvrit aussitôt d’embarcations. L’une portait le consul de France, l’autre le capitaine du Dolphin, le capitaine du port et le médecin de la quarantaine. Dans quelques autres chaloupes, on vit arriver successivement le capitaine Alexander, le com-