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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/892

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quait çà et là quelques fleurs appelées Ne m’oubliez pas. Le prince en cueillit plusieurs, et surtout celles qui avaient poussé au-dessus de la tête de l’Empereur ; il fit couper quelques boutures du saule. On remarquait encore quatre ou cinq géraniums qui avaient été plantés là par madame la comtesse Bertrand ; son fils en rompit quelques tiges ; des mélèzes aux tiges noires tranchaient avec l’herbe verte qui s’étendait sur le sol. C’est là, à la tête du tombeau, en dehors de l’enceinte et à demi cachée sous une arête du rocher, que se trouve la source limpide dont il a été tant parlé. Les murailles du roc ne permettaient à aucun bruit de venir troubler la paix du lieu. L’empressement des assistants français à recueillir toutes les traces du séjour de l’Empereur intéressa les Anglais, qui voulurent leur venir en aide : une voiture fut mise à leur disposition, et le vieux saule, le saule mort, y fut placé. On se retira ensuite ; une heure après on se rendit à Longwood ; c’est un vaste plateau exposé à tous les vents, sans autre végétation que de longues herbes.

On arriva à une espèce de ferme à laquelle attenaient quelques batiments de service. A gauche, s’élevait une maison de belle apparence, à la toiture d’ardoises et aux larges fenêtres. La pauvre ferme avait été le palais impérial de Longwood ; cette belle maison, c’est le Longwood que Napoléon n’a jamais habité. Que c’était triste et lamentable à voir ! le Longwood impérial, la ferme, tombait en ruines ; les murs étaient lézardés ou criblés de fissures ; les vitres manquaient aux fenêtres ! Les visiteurs montèrent les trois marches qui séparent la maison du sol, puis ils pénétrèrent dans l’intérieur de la maison par le veranda au treillage vert qui en ferme l’entrée. M. Marchand, qui avait habité ces lieux pendant six ans, servait de guide au prince. La première pièce, l’ancienne salle de billard, plus tard encore une espèce de salon disposé pour les visiteurs, fut l’objet d’une attention particulière. Cette salle est éclairée par cinq fenêtres ; le registre sur lequel s’inscrivaient ceux qui venaient à Longwood, était ouvert sur une petite table de sapin noircie d’encre. Beaucoup de noms écrits au couteau, à la plume, à la craie, couvraient les murs. Tout en face de la porte d’entrée se trouve une porte qui ouvre sur le salon où est mort l’Empereur. Dans les six pieds carrés qui contenaient le lit du captif, le meunier de établi un moulin. Cette profanation frappa tout le monde, elle émut jusqu’aux larmes M. Emmanuel de Las-Cases, qui s’éloigna sans pouvoir proférer une parole. La salle qui avait servi de bibliothèque, la salle à manger, éclairée d’une seule fenêtre, ne présen-