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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/913

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« A dix heures, nous longions la magnifique terrasse de Saint-Germain et le château, berceau du grand roi. Préfet, maires, généraux, se tenaient à la tête de nombreux régiments et des légions des banlieues. Quand nous passions, les tambours battaient aux champs, et sur toute la ligne les troupes présentaient les armes.

« Bientôt nous étions à Saint-Denis. Le chapitre royal nous attendait, et quand le cortége défila lentement devant la tente pavoisée où, revêtu de ses habits de chœur, M. Rey, ancien évêque de Dijon et membre du chapitre, chantait l’office des Morts et prononçait les prières de l’absoute, Saint-Denis présenta le plus admirable coup d’œil.

« Plus nous approchions, du reste, plus l’affluence était grande : les rives de la Seine disparaissaient sous les pas d’une multitude empressée. Tout Paris semblait s’être élancé au-devant de celui qui l’avait fait si grand.

« Avant d’arriver à Neuilly, du côté opposé, au milieu d’une plaine, un groupe fixa notre attention ; quelques dames s’y rencontraient seules. Elles agitaient leurs mouchoirs. Elles voulaient être reconnues. Le prince arrive, regarde : « Ma mère ! » s’écrie-t-il. C’était la reine.

« Le bateau n’avait point ralenti sa marche ; aussi bientôt il entra dans les îles qu’en ces parages forme le fleuve, et le parc de Neuilly s’étendit à notre gauche comme un rideau. Peu après, le pont de Courbevoie nous montra les courbes de ses arches. Un grand aigle, les ailes étendues, plana au-dessus de nos têtes ; nous étions arrivés de notre lointain voyage ; le soleil se couchait dans un nuage de pourpre, et ses derniers rayons faisaient briller la statue de Notre-Dame-de-la-Garde, la patronne des marins, au pied de laquelle nous étions mouillés. »

On avait expédié de Paris trois nouveaux bateaux à vapeur au-devant de la flottille impériale ; le premier de ces bateaux portait la musique du Gymnase militaire, chargée d’exécuter des marches funèbres. Les deux autres remorquaient un bateau catafalque, chargé de décorations et de tentures. Sa marche était si lente, qu’on le laissa devant Argenteuil ; et le prince de Joinville, lorsque la flottille arriva à cette hauteur, ne changea rien aux nobles et simples dispositions qu’il avait arrêtées. Le temple funèbre suivit le cortége.

La flottille mouilla au-dessous de Courbevoie. Les feux de bivouacs établis sur les deux rives, l’immense affluence de spectateurs, de gardes nationales, de troupes de ligne, l’illumination du bateau catafalque et de tous les autres bateaux, les nombreuses embarcations qui venaient