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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/934

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eu à dépasser le parallèle de 28 degrés sud. Arrivé sur ce méridien, des calmes et des folles-brises m’ont causé quelque retard. Le 8 octobre, je mouillais sur la rade de James-Town.

« Le brick l’Oreste, détaché par M. le vice-amiral de Mackau pour remettre à la Belle-Poule un pilote de la Manche, était arrivé la veille. Ce bâtiment ne m’apportant aucune instruction nouvelle, je me suis occupé immédiatement des ordres que j’avais précédemment reçus.

« Mon premier soin a été de mettre M. de Chabot, commissaire du roi, en rapport avec M. le général Middlemore, gouverneur de l’île. Ces messieurs avaient à régler, selon leurs instructions respectives, la manière dont il devait être procédé à l’exhumation des restes de l’Empereur, et à leur translation à bord de la Belle-Poule. L’exécution des projets arrêtés fut fixée au 15 octobre.

« Le gouverneur voulut se charger de l’exhumation et de tout ce qui devait avoir lieu sur le territoire anglais. Pour moi, je réglai les honneurs à rendre, dans les journées du 15 et du 16, par la division placée sous mes ordres. Les navires du commerce français, la Bonne-Aimée, capitaine Gallet, et l’Indien, capitaine Truquetil, s’associèrent à nous avec empressement.

« Le 15, à minuit, l’opération a été commencée en présence des commissaires français et anglais, M. de Chabot et le capitaine Alexander R. E. Ce dernier dirigeait les travaux. M. de Chabot, rendant au gouvernement un compte circonstancié des opérations dont il a été le témoin, je crois pouvoir me dispenser d’entrer dans les mêmes détails ; je me bornerai à vous dire qu’à dix heures du matin le cercueil était à découvert dans la fosse. Après l’en avoir retiré intact, on procéda à son ouverture, et le corps fut trouvé dans un état de conservation inespéré. En ce moment solennel, à la vue des restes si reconnaissables de celui qui fit tant pour la gloire de la France, l’émotion fut profonde et unanime.

« A trois heures et demie, le canon des forts annonçait à la rade que le cortége funèbre se mettait en marche vers la ville de James-Town. Les troupes de la milice et de la garnison précédaient le char, recouvert du drap mortuaire, dont les coins étaient tenus par les généraux Bertrand et Gourgaud, et par MM. de Las-Cases et Marchand ; les autorités et les habitants suivaient en foule. Sur la rade, le canon de la frégate avait répondu à celui des forts, et tirait de minute en minute ; depuis le matin, les vergues étaient en pantenne, les pavillons à mi-mât, et tous les navires français et étrangers s’étaient associés à ces signes de