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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/935

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deuil. Quand le cortége a paru sur le quai, les troupes anglaises ont formé la haie, et le char s’est avancé lentement vers la plage.

« Au bord de la mer, là où s’arrêtaient les lignes anglaises, j’avais réuni autour de moi les officiers de la division française. Tous en grand deuil et la tête découverte, nous attendions l’approche du cercueil ; à vingt pas de nous, il s’est arrêté, et le général gouverneur, s’avançant vers moi, m’a remis, au nom de son gouvernement, les restes de l’empereur Napoléon.

« Aussitôt le cercueil a été descendu dans la chaloupe de la frégate, disposée pour le recevoir, et là encore l’émotion a été grave et profonde ; le vœu de l’Empereur mourant commençait à s’accomplir : ses cendres reposaient sous le pavillon national.

« Tout signe de deuil a été des lors abandonné ; les mêmes honneurs que l’Empereur aurait reçus de son vivant ont été rendus à sa dépouille mortelle ; et c’est au milieu des salves des navires pavoisés, avec leurs équipages rangés sur les vergues, que la chaloupe, escortée par les canots de tous les navires, a pris lentement le chemin de la frégate.

« Arrivé à bord, le cercueil a été reçu entre deux rangs d’officiers sous les armes, et porté sur le gaillard d’arrière, disposé en chapelle ardente. Ainsi que vous me l’avez prescrit, une garde de soixante hommes, commandés par le plus ancien lieutenant de la frégate, rendait les honneurs. Quoiqu’il fût déjà tard, l’absoute fut dite, et le corps resta ainsi exposé toute la nuit : M. l’aumônier et un officier ont veillé près de lui.

« Le 16, à dix heures du matin, les officiers et équipages des navires de guerre et de commerce français étant réunis à bord de la frégate, un service funèbre solennel fut célébré ; on descendit ensuite le corps dans l’entre-ponts, où une chapelle ardente avait été préparée pour le recevoir.

« A midi, tout était terminé, et la frégate en appareillage ; mais la rédaction des procès-verbaux a demandé deux jours, et ce n’est que le 18 au matin que la Belle-Poule et la Favorite ont pu mettre sous voiles ; l’Oreste, parti en même temps, a fait route pour sa destination.

« Après une traversée heureuse et facile, je viens de mouiller sur rade de Cherbourg, à cinq heures du matin.

« Veuillez, amiral, recevoir l’assurance de mon respect.

« Le capitaine de la Belle-Poule,
« Signé : F. D’orléans. »