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Page:Latocnaye - Promenade d’un Français dans la Grande Bretagne, 1795.djvu/68

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rable gargotte, encore ne fut-ce qu’a condition que je partirais le lendemain, parcequ’on attendait une compagnie nombreuse.

Plusieurs maquignons vinrent examiner mon cheval, qui était réélement en fort bon état, et n’avait que cinq ans, fort, et même assez joli, après s’être étonnés de le trouver aussi bien conservé, (ce qui au fait n’était pas surprenant pour moi, car j’en avais eu plus de soin que de moi-même, et souvent, avais partagé mon pain avec lui), ils n’avaient pas honte de m’en offrir un ou deux louis, tout séllé et bridé. Dans le fait, le grand nombre des émigrés, n’ayant pas même de quoi subsister, avaient encore bien moins de quoi faire vivre un cheval, et étaient bien aise de s’en débarrasser a quelque prix que ce fut ; heureusement ayant encore quelques vieux louis dans ma ceinture je n’en n’étais pas réduit si bas, et les écoutai en riant faire leurs offres, si bien que s’en appercevant, ils venaient m’importuner a chaque quart d’heure, m’offrant quelque chose de plus, et ils montèrent jusqu’a six louis, m’assurant qu’ils n’avaient pas payé un seul cheval si cher, depuis la retraite.

Comment pourai-je vous peindre les sentimens