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Page:Latocnaye - Promenade d’un Français dans la Grande Bretagne, 1795.djvu/69

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que j’eprouvai, lorsqu’a l’heure du diner je me trouvai a une table d’hôte a un petit écu par tête, ou, après avoir manqué si longtemps du simple nécessaire, je vis la plus grande abondance. Il me serait difficile de donner une juste idée du plaisir que j’eus a me mettre a table, a me rassasier d’avance des differents mets dont elle était couverte ! Quel gout exquis me semblait avoir le pain blanc, dont je n’avais pas vu un morceau depuis quatre a cinq mois ; oui, j’en suis intimement convaincu, le plus grand plaisir, le plus grand bonheur sur la terre, n’est pas tant dans la jouissance que dans la privation qui la précede.

Le lendemain ayant un petit assignat a changer, je me rendis, chez Mr. Bazin, marchand de vins étrangers : après l’avoir visité, et me l’avoir payé au taux courant alors, a moitié perte ; nous causames quelques tems ensemble, de choses et d’autres, particulièrement sur notre position, que nous étions bien loin de regarder alors comme si critique. En me reconduisant, il m’offrit de rester a diner avec lui ; j’en avais assez bonne envie, je refusais pourtant. — Durant les compliments, la porte se ferma tout à coup. "Vous voyez bien, me dit-il,