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Page:Latocnaye - Promenade d’un Français dans la Grande Bretagne, 1795.djvu/74

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j’eus le bonheur de vendre pour huit louis mon cheval, qui m’en avait coûté vint cinq, de sorte que je n’étais pas au dépourvu ; mais tel était notre position, que dans l’impossibilité de donner aucun secours a mes amis, j’étais obligé d’affecter la même misere, pour n’etre pas contraint de refuser.

Aussitot mon cheval vendu, et heureusement pour moi, le jour d’avant le licentiement définitif, j’en achetai un autre, qui me coutat (jamais je ne l’oublierai) un petit écu ; la pauvre bête, ne vivait depuis long temps que du peu d’herbe qu’elle pouvait gagner sur les grands chemins, et n’avait que la peau sur les os : Ce qui vous suprendra c’est que ce fut avec le commandant des gardes d’Artois, un homme très riche en France, que je fis ce beau marché : Le soir même je me procurai une vieille selle aux équipages du corps, je me fabriquai une bride avec une corde et un morceau de bois, et le lendemain après avoir chargé sur le dos de mon haridelle, le peu d’éffet que les Prussiens avaient bien voulu me laisser, et avoir en outre le courage de me confier a la pauvre bête qui n’en parut pas flattée, car ayant beaucoup de peine a se porter elle même, elle serait bien passée de cet honneur ;