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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/29

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L’ÉCRIN DU RUBIS

Mais ce n’est qu’à quelque temps de là que je connus, d’une fille en service chez des voisins, la première initiation au mystère de la robe. Ce souvenir m’est frais comme d’hier, tant l’impression fut vive. Je la vois toujours cette belle fille, grande, très brune, élancée dans sa modeste toilette de jaconas pervenche, qui lui moulait le buste et la taille, postée, par une chaude après-midi de dimanche, — quaerens quem devoret — sur le seuil de sa porte. Je jouais sur le trottoir à quelques pas d’elle. Quelle image folle lui traversa soudain la tête ? Elle me fit signe d’approcher, m’enveloppa de la douce pression de son bras demi-nu, et sans mot, sans bruit referma sur nous la lourde porte. Serrée contre elle dans la tiédeur de sa hanche, elle m’entraîna à travers deux ou trois pièces où les volets clos filtraient un éclairage assourdi qui ajoutait au trouble de la vague prémonition que j’avais de quelque chose de défendu. Elle poussa un tambour de molesquine cloutée, et nous nous trouvâmes dans un petit boudoir tendu de cachemire bleu où flottait dans le silence du demi-jour je ne sais quelle complicité de mon émoi. Que se passa-t-il alors ? Je revois que nous tombons assises sur un canapé et que tout en feignant de jouer pour donner le change à mon innocence, elle me prend sur ses genoux, m’enserre de ses bras dont l’aisselle me renvoie à travers l’étoffe légère une odeur qui me surprend agréablement et avive, dans le charme étrange de notre solitude, le sentiment que j’ai d’une chose qu’il