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L’ÉCRIN DU RUBIS

Dois-je à cette première leçon qui, bornée à des attouchements naïfs, me fit un tout indivisible de la chair de la Femme et de l’enveloppe sous laquelle elle venait de m’être révélée, cette disposition à n’apprécier le nu que dans la mystique de ses voiles, à ne goûter l’amour qu’à travers les obstacles de sa défense, et d’un mot, à mettre ma délectation de la Femme dans la stylisation qu’elle reçoit de la Mode ? Nul ne saurait dire, en effet, de quel pli nous marque une émotion profondément ressentie dans notre jeunesse et ce que lui doit plus tard une de nos inclinations les plus vives. Parce que cette première initiation ne fut pas comprise de mes sens, le plaisir qu’en dehors de tout désir sexuel j’y goûtai et dont mes jeux d’enfant appliqués à en retrouver l’occasion me firent bientôt une source de délices, aiguilla vers la délectation d’images les forces que la nature destinait à d’autres fins. La vocation de ma sensualité se trouva déterminée dès cette première rencontre où mon imagination, ayant pris le pas sur l’instinct, me donna de la jouissance charnelle un sentiment auquel celui-ci était resté entièrement étranger. Avant que la caresse de la Femme ne m’eût été révélée, avant même que la nature n’eût égaré sur moi en des lascivetés vénielles, les élans de son réveil, mon imagination s’était fait de la volupté,