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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/58

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L’ÉCRIN DU RUBIS

Je trouvais d’autres prétextes, allongée à terre sur quelques carreaux de soie, pour me faire un ciel du dôme de ses voiles. Sa complaisance se pliait à toutes mes audaces. Je lui disais que j’étais son sultan, elle, ma favorite, et je lui ordonnais de danser pour la seule joie de mes yeux. Elle tenait son rôle à merveille. La tête coiffée d’un madras de soie, un fichu ancien enroulé à sa taille, ses deux bras potelés noués sur le cou, elle se mettait à tournoyer autour de moi avec la grâce la plus lascive et un mol balancement des hanches. Rien ne m’égalait la griserie de ce spectacle que la pudeur confiante d’Alice donnait à ma volupté. Qui n’a joui du décor et de la stylisation de la Femme dans son image renversée ignore un des plus délicats enchantements. L’élégante corruption du temps de la Du Barry et des lupercales du Parc aux Cerfs avait connu cette jouissance dans ce que le péché de Narcisse a de plus égoïste et de plus raffiné. Nous en avons pour garant certain petit tabouret de pied, dit à l’indiscret, qu’on peut voir au Musée Carnavalet. D’aspect innocent, comme les Chérubins de l’époque, avec son dessus de moquette, un ressort mû par la pression d’un pied de marquise agacée d’une pensée polissonne, réservait la surprise d’une glace dissimulée où se miraient les trésors tapis sous les cerceaux d’un