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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/59

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L’ÉCRIN DU RUBIS

panier. Je ne sais rien de plus piquant que cette effronterie dans l’exaltation de l’adoration personnelle. J’en acquis l’intuition en jouant d’abord le rôle du miroir sous les pas de mon amie. Hélas ! que n’avons-nous une langue adéquate à nos sensations pour les fixer sur le papier comme d’un coup de crayon ! Ah ! Gerda Wegener, avec quelle subtilité sensuelle vous avez rendu en une exquise page de La Vie Parisienne, en ce Songe d’une Nuit de Carnaval, ou dans cette autre des Jeux de l’Escarpolette, l’ascension du désir vers la féerie des lingeries enrubannées dont Alice, en tournant, secouait sur mon front le frais parfum !

Comme votre Pierrot assis au pied de l’escalier où vos deux sylphides chevauchent la rampe et le lutinent des ensorcelantes promesses de la chair sous le dôme de leurs falbalas, ainsi montait mon rêve vers la sphère des béatitudes. Alice, dans le rythme de sa danse, en étendait et reployait tour à tour sur moi la transparente vision. Sur l’axe conjugué de ses jambes bottées à mi-mollets de chevreau mordoré, virevoltait une robe de velours havane dont la plombante ampleur, ramassée en plis balancés, ou distendue de toute son aune par delà les cuisses, élargissait ou étreignait au-dessus de ma tête un fouillis de blancheurs animées, un remous épais de festons brodés et de dentelles, et leurs orbes concentriques s’ouvraient et se refermaient alternativement sur les profondeurs d’un cône d’ombre dans