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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/73

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L’ÉCRIN DU RUBIS

du désir, ils sont en un mot si femmes eux-mêmes, aux yeux d’une imagination vive et pour des sens subtils, que bien des hommes de goûts délicats et efféminés ont succombé à leur sortilège dans des rêveries, quelquefois même des égarements dont rien ne leur égalait la délectation. Sans cesser d’appartenir à leur sexe, sans perdre le respect qu’ils se doivent, sans être d’aucune manière ni dans l’intention, ni dans le fait, des invertis, ils cèdent à l’envoûtement de ce mundus muliebris jusqu’à en ressentir les joies sur leur personne même. Ce n’est point corruption, mais disposition à jouir de l’illusion plus que de la réalité.

De bonne heure et par l’effet d’une discipline qu’ils ont su imposer d’autant plus facilement à l’impulsion sexuelle qu’ils sont plus raffinés sur le plaisir, ils ont recherché la félicité érotique dans une délectation d’images qui procède de l’étroite liaison que leurs premiers émois charnels ont établie entre le corps de la Femme et ce monde de frivolités, de rubans, de dentelles et de voiles dont celle-ci fait le rempart de sa vertu et le champ de bataille de sa défaite. Leur amour de la Femme est l’adoration du mystère dont ce monde l’enveloppe. On sait la fascination qu’il exerça sur Charles Baudelaire. Verlaine n’y fut pas moins conquis dans sa débauche et ce n’est pas la pièce la moins suggestive de ses Œuvres Libres que celle de ce rêve qu’il fait au bal, où couché sur le parquet, cent ballons de jupes gaies tournoyant