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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/90

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L’ÉCRIN DU RUBIS

bouillons pointus. Cette scène surprise par moi derrière une tenture dissimulant une porte condamnée, me causa une émotion sans pareille.

Obéissant à une consigne dont elle avait l’habitude, Albine, une accorte soubrette attachée au service de la toilette de ma mère, commença par tirer les rideaux pour plonger la chambre dans un émouvant clair-obscur. Puis elle se mit en devoir de dévêtir sa maîtresse. Avec toute la délicatesse de main d’une fille experte, elle fit lentement glisser la robe princesse de velours gris argent qui moulait la rondeur de seins parfaits et épousait sans un pli le voluptueux modelé d’une taille de guêpe dont la cambrure s’évasait sur les hanches et sur la ferme saillie de la croupe en une ligne d’une grâce infinie. Sur sa traîne alourdie d’une bande de zibeline, la robe, dans le doux bruissement de sa double jupe de soie, s’écroula en mille plis aux pieds de ma mère qui, d’un mouvement gracieux enjamba la galante dépouille. Sa gorge nue jusqu’à la magnifique Valenciennes d’une chemise ouverte en cœur et retenue par l’épaulette d’un ruban rose qui serpentait dans l’engrelure des entre-deux, ma mère m’apparut dans le coquet déshabillé d’un corset de daim blanc rehaussé de fines Malines, et d’un jupon de faille perle à triple volant de dentelles qui balançait ses remous au-dessus de l’étroite cheville s’élançant d’un cothurne de satin gris.

Tandis que ma mère, dans le cortège de son image