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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/91

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L’ÉCRIN DU RUBIS

multipliée par les glaces, venait paresseusement s’étendre sur sa chaise longue, Albine avec la précision rituelle du desservant d’un culte, était allée tirer d’un placard dissimulé dans un panneau, un coffret oblong d’ébène où reposait l’instrument nécessaire à l’office de ce jour. C’était un clysopompe d’argent massif de la plus grande fantaisie, œuvre d’un de nos meilleurs orfèvres parisiens, enrichi, dans un entrelacs de fleurs de pavots, d’une piquante scène sculptée en ronde bosse représentant un faune qui, d’un priape monstrueusement long, administrait un clystère à une nymphe à genoux sur un tapis de fourrure gravé du monogramme de ma mère.

La servante déroula le caoutchouc de soie verte, assujettit à son extrémité une fine canule d’ivoire, qu’elle avait sortie d’un autre petit écrin capitonné de velours noir, remplit le cylindre d’une eau tiède où elle jeta un filet d’essence de rose. Tout cela fut fait sans mot dire ; et je ne sais ce que le silence qui enveloppait tous les actes de cet office y ajoutait de mystère.

Comme tout était prêt pour le sacrifice, ma mère se mit alors sur son séant, puis faisant un demi tour sur elle-même, inclina son buste sur une pile de coussins, sa jambe gauche ployée sous elle, la droite hors du sopha, dans la station debout.

Albine s’approcha et d’une main soigneuse souleva jusqu’aux reins le jupon de soie découvrant à mes yeux la splendeur boréale d’une croupe dont la cambrure ten-