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Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/384

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lance de l’État ; après la guerre franco-allemande, ils furent entre les plus hardis spéculateurs et, dans la fièvre d’associationnisme qui saisit les capitalistes allemands, ils agirent comme avaient agi les Juifs français de 1830 à 1848[1], jusqu’après la ruine financière de 1872, époque où, parmi les hobereaux et les petits bourgeois dépouillés dans cette Gründer période[2], pendant laquelle domina le Juif, naquit le plus violent antisémitisme : celui qu’engendrent les intérêts lésés.

Lorsqu’on eut constaté cette action incontestable du Juif, on en conclut que le Juif était le détenteur par excellence du capital. Ce fut une cause d’animosité de plus contre lui. Les Juifs possèdent tout, déclara-t-on ; et juif, après avoir été l’équivalent de fourbe, de trompeur, d’usurier, devint le synonyme de riche. Tout Juif est possesseur, voilà la commune croyance. Il y a là une erreur profonde. L’immense majorité des Juifs, près des sept huitièmes, sont d’une extrême pauvreté. En Russie, en Galicie, en Roumanie, en Serbie en Turquie leur misère est affreuse. Ils sont pour la plupart des artisans, et, en cette qualité, ils pâtissent de l’état social actuel, tout comme les salariés chrétiens. Ils sont même parmi les prolétaires les plus déshérités. À Londres, dans cette compacte agglomération juive de l’East-End, composée de réfugiés polonais, les tailleurs juifs occupés

  1. Otto Glacau : loc. cit.
  2. Période de fondation.