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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/105

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AU PAYS DES PARDONS

Gralon caressa doucement son cou, lissa les poils de sa crinière souillés d’écume et enchevêtrés de goémons. De tous les êtres qu’il avait aimés, c’était désormais le seul qui lui restât. La vie lui apparut vide et désenchantée ; il regretta de n’être point mort avec les autres. Le dernier cri de sa fille surtout le hantait, et ce long reproche désespéré qu’en la repoussant dans l’abîme il avait lu dans ses yeux. C’était donc vrai qu’il avait eu le courage de cette chose atroce ? Quoi ! de ses propres mains il avait noyé son enfant ? Il n’avait eu pitié ni de ses pleurs, ni de son effroi ? Elle se cramponnait à lui, si confiante, pourtant ! Elle l’implorait d’une voix si douce « Sauve-moi, père, sauve-moi ! »… Et il n’avait écouté que ce moine, cet homme de malheur !…

Gwennolé suivait sur le visage du roi les mouvements tumultueux de sa pensée.

« — Gralon, » dit-il sévèrement, « rends grâces au Dieu qui, par mon entremise, t’a conservé les jours de ta vieillesse pour travailler à ton salut éternel. »

Subjugué par le ton impérieux du moine, le