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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/121

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AU PAYS DES PARDONS

chait vivement sur le fond assombri des bois, Gralon se souleva avec effort.

« — Vous arrivez à temps pour recueillir mon dernier souffle, » dit-il… « Ne prenez point ombrage du vieillard que voici : il a vécu trois âges d’homme et connu l’extrémité de la souffrance. Les maux que j’ai endurés ne sont rien au prix des angoisses qui l’ont éprouvé. J’ai eu à pleurer ma ville engloutie et l’épouvantable destin de mon unique enfant ; mais, lui, il a perdu ses dieux ! À cette misère-là nulle autre n’est comparable. Jadis il fut druide : il porte le deuil d’une religion morte. Soyez-lui clément et doux. Il vous dira mon vœu suprême, et combien ce lieu m’est cher ; j’y ai savouré par avance la joie de n’être plus. Je dépose en vos mains à tous deux mon âme épurée des souvenirs qui troublent… »

Il n’en put prononcer davantage ; sa tête retomba inerte sur le gazon. Le roi de Cornouailles avait trépassé. Gwennolé se mit à murmurer des psaumes latins le druide entonna, d’une voix chevrotante, une mélopée en langue barbare et Gralon, conan[1] de la mer, reposa dans la clairière

  1. Chef.