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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/126

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RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS

rer aux proportions de l’église la grandeur des miracles. L’humble chapelle d’aujourd’hui a gardé, aux yeux des Bretons, le même prestige que la somptueuse basilique d’autrefois. Ils y accourent de toutes parts, toute l’année durant, et de L’Argoat et de l’Armor[1].

Un soir d’août, je débarquais au Cloître-Plourin, petite halte de la ligne de Carhaix, perdue dans une steppe marécageuse, au milieu d’une région de tourbières éventrées, étalant çà et là des lèpres noires et des miroirs d’une eau stagnante et sinistre. Pas d’autre maison que la gare. J’avais dessein de visiter les Kragou, sorte de vagues en pierre, rebroussées dans la direction de l’ouest, qui hérissent de leurs crêtes étranges cette partie de la montagne d’Aré. Je pris la seule route qui s’offrait à moi, un de ces chemins primitifs, faits de deux ornières enserrant une sente herbeuse, et qui, selon l’adage breton, ne sont guère fréquentés que du chariot des âmes en peine. Une vieille cependant y marchait à quelque distance devant

  1. L’Argoat (pays des bois) désigne surtout l’intérieur de la Bretagne L’Armor, le littoral.