Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
116
AU PAYS DES PARDONS

groupe autour d’une église neuve quelques maisons banales. Et cela n’est pas sans causer une déception, ce village improvisé, au milieu de ces grands horizons sévères reposant sur des assises de granit bâties pour l’éternité. Par delà le bourg, la côte recommence ; les bras d’un calvaire se dessinent au sommet, sur le fond encore illuminé du couchant. On a de là-haut une des plus admirables vues de Bretagne. Une terre singulièrement attirante dévale à vos pieds ; tout au bas, des silhouettes de toits pointus, un vieux décor de ville moyennageuse gravé à l’eau-forte[1] ; à gauche, des images grises et fuyantes, de vagues estompes lointaines, pareilles à des nuages immobilisés, et qui sont d’abord les crêtes du Ménez-Hôm, puis le trident que plante au large le promontoire de Crozon, la « main à trois doigts » dont il fouille les entrailles de l’Atlantique ; — à droite, la rade, ce que les Bretons appellent la « mer close », une filtrée d’Océan au sein des labours et des bois, quelque chose de froid et de clair, la lumière glacée d’une eau dormante où vibre encore l’adieu du

  1. Le Faou.