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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/141

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AU PAYS DES PARDONS

dans les fossés, des cressonnières bruissent d’un chuchotement clair, de la menue et grêle chanson des sources invisibles. Nul vent : les feuillages dorment, ou plutôt ils ont cet air d’attente que prennent les choses en s’immobilisant. Quelques vaches paissent à l’aventure. Nous croisons des chars-à-bancs bondés de paysans qui ont déjà terminé leurs dévotions et s’en retournent. Une femme portant la coiffe de Pleyben nous dépasse : elle est en corps de chemise et elle court, les pieds en sang, l’haleine oppressée.

« — Celle-ci doit avoir fait un grand vœu », prononce le conscrit. Il vient de couper à une touffe de coudrier une baguette de pélerin, et il en sculpte l’écorce avec la pointe de son couteau, en fait une sorte de thyrse, enguirlandé d’un mince ruban vert où des lettres s’entrelacent.

… L’horizon s’est ouvert, tout d’un coup ; les talus se sont écartés comme les battants d’un porche. Nous prenons par un sentier de traverse, entre des fougeraies odorantes et des ajoncs en fleur. L’ombre du soir s’épaissit derrière nous, mais sur le versant d’en face une lumière mysté-