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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/151

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AU PAYS DES PARDONS

les grâces, un De profundis pour le repos du Roi Gralon… »

On conçoit sans peine que de pareilles légendes — et il y en a tout un cycle — ne contribuent pas peu à faire des mendiants de Rumengol des êtres en quelque sorte mythiques et sacrés. Ajoutez que la plupart de ces quêteurs d’aumônes ne se montrent en ce lieu qu’une fois l’an, qu’ils y viennent on ne sait d’où, de régions très diverses et souvent fort Éloignées, qu’un mystère, par conséquent, plane sur leurs origines, laissant le champ libre à toutes les conjectures. J’ai rencontré là, à trente, à quarante lieues de chez elles, des femmes du Trégor dont la figure m’était familière depuis mon enfance ; je les retrouvais, après ce long espace de temps, telles que je les connus, sans un pli de plus à leurs traits sans âge, la peau noirâtre et fumée comme celle des momies, leurs maigres mollets de coureuses de pardons toujours allègres et vils, leurs yeux striés de fibrilles sanguinolentes couvant le même fanatisme obstiné et silencieux. — Enfin, il faut en convenir, il n’en est pas un de ces mendiants qui n’ait