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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/152

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RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS

son genre de beauté. C’est à croire que la race des vagabonds, et des loqueteux n’envoie ici que ses spécimens les plus remarquables, ses types les plus intéressants et les plus parfaits. J’en ai vu qui se drapaient dans leurs guenilles avec une inconsciente majesté de chefs barbares. Je me rappelle être resté en contemplation devant l’un d’eux. On eût dit un pasteur de peuples. Il était assis sur la margelle de la fontaine, à l’entrée du bourg. Il avait les jambes croisées, le corps penché en avant, les mains appuyées à une trique de châtaignier grosse comme le tronc d’un jeune plant. Le sommet dégarni de son crâne luisait à la clarté des étoiles ainsi qu’un miroir de bronze. De ses tempes à ses épaules tombaient des mèches de cheveux fins, d’une blancheur blonde, semi-lune et semi-soleil ; elles encadraient un profil sculptural, une tête de mage antique au nez busqué, aux pommettes saillantes, des broussailles grises ombrageant les yeux aigus, les lèvres noyées dans les flots harmonieux d’une barbe d’argent. Sa sébile posée à terre, à ses pieds, semblait attendre, non des aumônes, mais des offrandes. Il y avait dans