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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/159

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AU PAYS DES PARDONS

pèlerine qui ne passe jamais ma porte sans y heurter, « il brillait au milieu des autres chanteurs comme un louis d’or parmi les gros sous. » Mais, c’est surtout dans les régions de Tréguier, de Lannion, de Paimpol, qu’il laisse un vide attristant. Avec lui s’en est allée dans la tombe la muse de la poésie nomade, une bonne fille un peu bohème, pas très soignée dans sa mise ni assez difficile peut-être quant au choix de ses inspirations, mais vaillante, infatigable, le pied leste, la lèvre prompte, et qui, de sa voix nasillarde, menait à travers la presqu’île le branle joyeux des pardons. Dieu me garde de vous présenter Yann Ar Minouz comme un émule des Liwarc’h-hen ou des Taliésinn[1] ! Il m’en voudrait d’en faire accroire à son sujet, lui qui se gaussait si volontiers des prétentions d’autrui ! Ce n’était point un esprit de haut vol ce n’était pas non plus le premier venu. S’il n’a point fait revivre parmi nous la tradition des grandes écoles bardiques, il en a du moins prolongé l’agonie. Barde il s’intitulait — un peu naïvement sans doute, ayant

  1. Bardes célèbres de l’ancienne Bretagne. Cf. le Myvyrian.