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AU PAYS DES PARDONS

couché à quelques pas de nous, à l’ombre de l’église, dans le pacifique enclos des tombes.

Yann vint au monde à Lézardrieux. Son père passait pour très instruit, parce qu’il savait lire, et joignait à ses occupations de tisserand les fonctions de maître d’école. Sa tâche du jour terminée, il réunissait chez lui une douzaine de galopins du voisinage et leur faisait leur classe, c’est-à-dire leur enseignait le catéchisme, leur apprenait à reconnaître la place de chaque office dans le paroissien, et leur bourrait la mémoire de vieilles complaintes flétrissant les forfaits des seigneurs d’autrefois ou célébrant les vertus des saints locaux. Cette forme élémentaire de culture convenait à merveille à l’esprit de Yann : il fit de si rapides progrès que son père, rêvant pour lui les hautes destinées du sacerdoce, l’envoya étudier à Pleumeur où il y avait un instituteur en titre, muni de plusieurs diplômes. Yann fut ainsi initié au français et même quelque peu au latin[1].

  1. Il garda toujours un goût très vif pour la lecture. Il se fournissait de livres chez Jeanne Marie Lucas, a Paimpol, qui n’eut pas d’abonné plus fidèle, et il les dévorait avec avidité, en cheminant d’un bourg à l’autre. Il s’inspirait volontiers de cette littérature d’emprunt, composée surtout de romans médiocres. De là tant d’inepties dans son œuvre.