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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/18

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XII
AVANT-PROPOS

une conteuse, la vieille Naïc, qui, sept fois, est allée de Quimper à Saint-Servais pieds nus.

« Nous partions en bandes nombreuses. Aux abords de la chapelle nous trouvions les Gwénédiz, les gens de Vannes. C’étaient eux nos adversaires les plus enragés. On attendait vêpres, rangés en deux camps, les Gwénédiz d’un côté du ruisseau qui longe le cimetière, nous, de l’autre. On se dévisageait avec de mauvais yeux. À vêpres sonnant, les battants du portail s’ouvraient, et l’on se ruait dans l’église. On voyait au fond de la nef la grande bannière, debout, sa hampe passée dans un anneau, près de la balustrade du chœur. Non loin, sur une civière, était le petit saint de bois, Sant Gelvest ar Pihan. Il y en avait tous les ans un nouveau : le même n’aurait pu servir deux fois ; régulièrement il était mis en pièces.

« On entonne le Magnificat.

« Aussitôt, voilà tous les penn-baz en l’air. Après chaque verset, on entend : dig-a-drak, dig-a-drak. C’est, dans l’église, un effroyable cliquetis de bâtons qu’on entrechoque.

« Les Cornouaillais crient :

Hij ar rew ! Hij ar rew !
Kerc’h ha gwiniz da Gernew !

(Secoue la gelée ! Secoue la gelée ! — Avoine et froment à Cornouailles !)

« Les Vannetais ripostent :

Hij ar rew ! Kerc’h ha gwiniz,
Hac ed-dû da Wénédiz !