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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/189

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AU PAYS DES PARDONS

promontoires hantés de grands noms ou de miraculeux souvenirs, Kerohan, le Priolly, Landévennec. Une forme de nuage, flottante d’abord, peu à peu se précise, se condense, se tasse, et c’est le Ménez-Hom, — le chef de troupeau des Monts-Noirs, leur vedette sur l’Atlantique, — avec sa croupe renflée, son mufle à ras de sol, tendu vers le large, comme flairant un perpétuel danger.

Cependant, sous les reflets encore indécis de la lumière orientale, la mer frissonne, la mer s’éveille. Des pourpres légères se répandent à sa surface : telles les rougeurs dont se colore le sein pâli d’une vierge, quand son cœur se met à battre à l’approche du bien-aimé. Je ne sais rien de comparable à ce réveil de la mer, dans le crépuscule matinal d’une belle journée d’été breton. Il semble qu’on assiste à l’aurore primitive, à la première apparition du jour sur le monde, lorsque les eaux furent séparées des continents et la lumière d’avec les ténèbres. Dans ces grands paysages tranquilles d’externe occident — où l’homme, resté frère des choses, n’a pas