Aller au contenu

Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
AU PAYS DES PARDONS

devaient avoir les trirèmes helléniques voguant vers la blanche Délos, à travers le sourire innombrable de la mer. Elles s’engagent dans le chenal, à la file, « amènent » leur toile, rangent le quai, accostent, débarquent leurs passagers : et toutes ces manœuvres s’accomplissent sans bruit, presque sans gestes. Les femmes prennent terre les premières d’aucunes, fidèles à la coutume antique, se prosternent pour baiser le sol, à l’endroit où commence, au dire de la tradition, la zone bénie, le domaine de Notre-Dame. Et maintenant elles s’acheminent par groupes vers la « maison de la sainte ». Toutes vont pieds nus, toutes ont un cierge dans les mains. Grandes pour la plupart, un peu hommasses, les traits réguliers, mais durs et d’une fermeté trop virile, la peau du visage non point bàlée, rosée plutôt — chez les vieilles comme chez les jeunes — de ce rose vif des chairs conservées dans la saumure. Seuls, les yeux sont beaux : leur nuance d’un roux verdâtre fait penser à des transparences d’eau marine dormant au creux des roches sur un lit de goémons. Ce sont, d’ailleurs, des yeux tristes et qui mirent, en leur limpidité