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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/192

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RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS

dolente, l’ombre des deuils passés ou le pressentiment des catastrophes à venir. II n’en est pas une, de ces Ouessantines, qui de la naissance à la mort ne soit vouée à un pleur éternel. Elles vivent tonjours en proie aux épouvantements de la mer qui leur prend leurs pères, leurs fiancés, leurs époux, leurs fils. De là ce costume de veuve dont elles se revêtent, pour ainsi dire, au sortir du berceau et qu’elles ne quittent plus jusqu’à la tombe. Noir le corsage, noire la jupe, noir le tablier, noire enfin la gaîne d’étoffe où s’enfonce et se dissimule le béguin blanc aux rigides cassures. Elle a quelque chose d’hiératique, cette grande coiffure carrée, et elle rappelle d’assez près, avec ses pans tombants, le pschent de l’ancienne Egypte. — Aucun atour, nulle coquetterie. La chevelure même, orgueil de la femme, couronne de sa royauté, s’effiloque sur la nuque ou pend le long des joues en mèches écourtées et vagabondes. Tout cela, cet accoutrement sombre, ces crins épars autour de ces faces mornes, plus encore l’espèce de lamentation qui s’exhale des lèvres en guise de prière, tout cela vous serre le cœur,