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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/193

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AU PAYS DES PARDONS

éveille dans l’esprit des images funèbres : on croit voir passer un troupeau de victimes que chasse devant elle l’antique Fatalité.

Elles suivent la route, absorbées dans leurs dévotions, sans se laisser distraire par la tiédeur intime du paysage, par cette flore odorante, par cette jeune verdure dont leurs regards pourtant sont si peu coutumiers et dont beaucoup d’entre elles respirent aujourd’hui pour la première fois le pénétrant arôme. Ce sont choses qui ne les touchent point, si sevrées qu’elles en puissent être dans leur île sauvage, presque à nu sous son maigre manteau d’herbe brûlée. Elles passent indifférentes à toutes ces séductions de la « Grande Terre » ; elles n’ont d’yeux que pour la fine aiguille de granit qui se profile là-haut, sur la crête, derrière le rideau des bois. Droit au-dessus de la pointe, une étoile attardée brille encore, d’un faible scintillement, dans le ciel à moitié envahi par le flot montant de la lumière. Et cette petite clarté pâle apparaît vraisemblablement aux Ouessantines comme un signe céleste, car elles ne l’ont pas plus tôt aperçue qu’elles entonnent