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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/211

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AU PAYS DES PARDONS

oubli.[1] Eh oui ! ce sont eux qui travaillent à faire le vide autour de nos sanctuaires les plus vénérés, en entraînant les paroisses par troupeaux vers les églises lointaines, vers les Vierges étrangères, à Lourdes, à la Salette, à Paray-le-Monial ! Quel besoin ont-ils de dépayser la dévotion bretonne ? Qu’ils prennent garde qu’à tant voyager elle ne s’altère. Ma mère déjà déplorait ces modes nouvelles. Le paradis, disait-elle, ne se gagne qu’aux pieds des saints de son pays. J’augure mal des jours à venir. Grâces à Dieu, je ne les verrai point : on aura depuis longtemps jeté sur ma face le drap sous lequel on dort pour jamais… »

Je m’en retourne vers Quimerc’h par le sentier des fougères. À mi-côte je croise deux bons vieux Cornouaillais en goguette qui, s’arc-boutant des épaules, se racontent simultanément des histoires sans fin, et ne s’écoutent ni l’un ni l’autre. Leur

  1. Disons néanmoins que dans le cours des deux dernières années il s’est produit une réaction dans le clergé breton en faveur des vieux saints nationaux.