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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/223

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AU PAYS DES PARDONS

et plus désirables à vos yeux. Que ces choses sont déjà anciennes ! Du jour où l’anachorète étranger a paru au milieu de nous, la fortune a changé. Ce doit être quelque enchanteur pervers : il nous a jeté un sort, il a juré de nous faire périr de misère. Qu’attendez-vous pour nous débarrasser de lui ? »

Ces paroles arrivèrent aux oreilles du saint. Pour n’avoir pas à châtier les gens qui les avaient proférées, il décida de s’enfoncer plus avant dans les terres et, ayant retroussé les pans de sa robe d’ermite, il se mit en route vers d’autres climats. Le rocher sur lequel il avait traversé les flots et qu’il appelait sa « jument de pierre » le suivit dans ce nouvel exode. Ils franchirent des rivières encore innomées, s’engagèrent dans de ténébreuses forêts dont les arbres se souvenaient d’avoir été des Dieux. Parfois, des fourrés inextricables entravaient leur marche. Ronan faisait alors tinter sa clochette et les ronces, pâmées, se désenlaçaient d’elles-mêmes. Il parvinrent, au sortir des bois, dans une région haute et découverte, semée seulement de bruyères et d’herbes