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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/226

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LA TROMÉNIE DE SAINT RONAN

heures entières, conversant avec les choses dont le muet langage lui était familier. Les bêtes aussi lui étaient chères. Elles le lui rendaient. Du plus loin qu’elles le voyaient venir, elles accouraient à lui. Pour leur inspirer plus de confiance, il s’amusait souvent, dit-on, revêtir leur forme. Il apprivoisait les plus féroces et les moralisait. Un loup qui l’avait en grande vénération s’imagina lui être agréable en déposant, un jour, à ses pieds un pauvre agnelet tout pantelant. Le saint commença par ressusciter l’innocente victime et tint ensuite au ravisseur un discours si touchant qu’il le convertit pour jamais. C’est depuis lors qu’on a coutume de dire « Doux comme le loup de saint Ronan ».

S’il recherchait le commerce des animaux et s’il se plaisait même en la compagnie des plantes, en revanche il fuyait les hommes. Il avait gardé de sa première rencontre avec eux, sur les rivages inhospitaliers du Léon, un souvenir amer mêlé peut-être de quelque mépris. S’il lui arrivait d’en croiser un sur son chemin, il le regardait avec des yeux si terribles que le malheureux, saisi