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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/225

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AU PAYS DES PARDONS

viennent brouter l’herbe de printemps, mais l’homme n’a pas encore osé désaffecter cette terre : elle est restée ce qu’elle était il y a douze cents ans, une colline vierge, une sorte d’oasis du rêve.

Ronan y passa des jours exquis, en tête à tête avec les vents qui, soufflant parfois du côté de l’Hibernie, lui apportaient jusqu’en ce désert d’Armorique le parfum de son île lointaine. Il s’était construit là un pénity, une maison de pénitence, grossièrement faite de quelques branches liées entre elles à l’aide d’un peu de mortier. Il n’y demeurait d’ailleurs que la nuit, pour réciter ses vigiles et pour dormir. Le reste du temps il vivait dehors. Dès l’aube il était sur pied, pèlerinant par les sentiers de la montagne. Il avait adopté un circuit qu’il accomplissait ponctuellement deux fois par jour, sans dévier d’une semelle, le matin, dans le sens du soleil et, le soir, à l’encontre de l’astre. La pluie même ne l’arrêtait point : elle l’arrosait sans le mouiller. Le tour qu’il décrivait sur les flancs du ménez comportait plusieurs lieues. Il cheminait des