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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/235

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AU PAYS DES PARDONS

« — Ainsi, » cria-t-elle, « voilà comment vous vous comportez ! J’en apprends de belles sur votre compte On vous croit au travail avec les serviteurs, et vous fainéantez là-haut en compagnie d’un être louche qui est l’opprobre et la terreur du pays. Avez-vous donc juré de mettre vos enfants sur la paille et, moi, de me faire mourir de désespoir »…

La légende, qui pratique la sélection à sa façon, n’a pas retenu le nom du maître de Kernévez ; mais elle nous a transmis celui de sa femme. Elle s’appelait Kébèn. M. de la Villemarqué a voulu voir en elle une sorte de druidesse farouche, « reine de la forêt sacrée ».[1] Le peuple s’en fait une image moins noble, mais plus voisine peut-être de la réalité. C’était tout bonnement une fermière économe, un peu serrée, dure à elle-même et dure aux autres, uniquement préoccupée d’arrondir son pécule et de léguer à ses enfants un bien solide, exempt d’hypothèques. D’un caractère très entier, elle menait sa maison au doigt et à l’œil. Au reste, femme entendue et capable, ne commandant jamais rien que de sensé. Son mari s’était toujours effacé

  1. Cf. Barzaz-Breiz ; Légende de saint Ronan, notes.