Aller au contenu

Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
LA TROMÉNIE DE SAINT RONAN

vue, ouvrait à leurs pensées, à leurs méditations en commun, le champ de son immensité. Là, le fruste disciple de Ronan s’initia aux séductions de la vie contemplative. Il y prit un tel goût qu’il en vînt bientôt à considérer tout autre soin comme indigne qu’on s’y appliquât. À savourer les secrètes voluptés de la conscience, ce paysan dépouilla jusqu’à la passion de la terre. Lui qu’on citait naguère comme le modèle des laboureurs, il se désintéressa de ses cultures, cessa de surveiller son personnel, laissa les domestiques agir en maîtres. On en jasa dans la contrée. Finalement, sa femme fut avertie.

Vivant dehors par métier, tandis qu’elle était retenue à l’intérieur du logis par ses devoirs de ménagère, il avait pu lui dérober quelque temps ses pieuses escapades et fréquenter le saint sans éveiller ses soupçons. Mais il prévoyait bien qu’un jour ou l’autre tout lui serait dévoilé. Des commères complaisantes s’en chargèrent. Comme il revenait un soir à la ferme, au sortir d’une entrevue avec Ronan, il trouva sur le chemin sa femme qui l’attendait, blême de colère.