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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/239

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AU PAYS DES PARDONS

pétuelle action de grâces aux dieux d’en haut. Eh bien ! tes artifices en ont chassé la prospérité pour y installer la ruine. Où régnait la paix des âmes, tu as déchaîné la guerre conjugale. Par le soleil et par la lune, sois maudit ! »

Le saint, les yeux au firmament, priait. Son oraison finie, il prononça :

« — Femme, je te rends l’usage de tes membres retourne vers tes enfants à qui tu n’as pas donné à manger ce soir et dont le gémissement m’a empêché d’entendre tes paroles. »

Une plainte, en effet, une plainte discrète et continue sanglotait dans le vent de la mer.

« — Nous nous rencontrerons encore » grommela Kébèn d’un ton de défi.

« — Dieu fasse que ce soit au ciel ! » répondit Ronan.

La femme de Kernévez rentra au logis, l’âme ulcérée. Pendant plusieurs jours elle resta accroupie sur la pierre de l’âtre, sans qu’on pût lui arracher un mot ni la décider à s’étendre dans un lit. Elle méditait, dans l’immobilité et le silence, quelque horrible dessein. Une nuit enfin, après