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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/238

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LA TROMÉNIE DE SAINT RONAN

déchira la nuit. Toute la bande se dispersa comme un vol de moineaux. Seule, Kébèn demeura : sa haine la cuirassait contre la peur. À l’appel de la « jument de pierre », Ronan était sorti de son oratoire. Il s’avança vers la mégère et lui dit :

« — Garde-toi de franchir l’enceinte marquée par ces houx. C’est ici un lieu interdit aux femmes. »

Kébèn, ramassée sur elle-même, s’apprêtait à lui sauter au visage ; mais, quand elle voulut s’élancer, une force surnaturelle la cloua sur place et ses jambes se raidirent sous elle, comme pétrifiées. Alors, dans l’impuissance de sa rage, elle vomit un flot d’injures, traitant le saint des noms les plus odieux.

« — Ah ! oui, » hurlait-elle, « tu interdis aux femmes l’accès de ton repaire, mais tu y attires les hommes, sorcier de malheur !… Réponds, qu’as-tu fait du maître de Kernévez ? Quel philtre de démence lui as-tu versé ?… Nous ne te cherchions point pourquoi nous es-tu venu trouver ?… Regarde ce manoir, là-bas, sous les hêtres. On y travaillait dans la joie et dans la concorde. Une fumée heureuse s’élevait du toit comme une per-