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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/251

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AU PAYS DES PARDONS

l’horizon s’est découvert peu à peu dans la direction du sud et du septentrion. Derrière vous s’estompent les grandes houles bleues du Quimperrois ; à votre droite s’enlève sur le ciel la montagne sacrée, avec son énorme croupe creusée de plissements rugueux où les traînées de bruyères semblent des fumées roses courant à ras de sol à gauche, un pays vert — d’un vert lumineux, d’un vert fauve — déroule jusqu’à la mer océane la nappe onduleuse de ses feuillages. Des pins bordent la route, mais sans entraver la vue qui se joue librement entre leurs fûts ébranchés ; et l’on a au-dessus de soi l’aérienne mélopée de leurs cîmes. Ajoutez que nulle part ailleurs, en Bretagne, on ne respire mieux ce que le poète appelle

L’ivresse de l’espace et du vent intrépide.

Le vent s’acharne d’une aile infatigable sur ce haut plateau. On est, pour ainsi dire, bouche à bouche avec l’Atlantique qui vous souffle à la face, de tout près, sa rude haleine salée, vous fouette la peau de ses larges embruns. Le bruit des vagues se fait si distinct qu’on se croirait sur un sommet