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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/261

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AU PAYS DES PARDONS

quotidien. Voilà que soudain les cloches s’ébranlent. Un chœur invisible entonne l’hymne de marche, et, par la baie du portail que le sacristain affirmait pourtant avoir fermée, jaillit un premier flot de « Troménieurs », puis un autre, puis d’autres encore, interminablement. On ne sait qui ils sont ni d’où ils viennent. Ils ont des figures jaunes et moitiés. Une fade et bizarre odeur s’exhale de leurs vêtements d’une forme inconnue. Ils chantent sans remuer les lèvres, et leur voix est faible, lointaine, semble sortir des entrailles de la terre. À leur tête s’avance le thaumaturge. Par dessus sa robe de bure il a passé les ornements épiscopaux. Un cercle de lumière entoure son front, et sa barbe de neige resplendit comme une gloire. Il va, et le sol se sèche à mesure devant ses pas, et la pluie, respectueuse, s’écarte. Les grandes, les lourdes bannières s’éploient, portées à bras tendus par des vieillards mystérieux aux carrures athlétiques. Et leurs soies, leurs broderies, leurs images luisent clair comme par une journée de soleil. Là-haut, dans le ciel, une trouée d’azur s’est faite, qui se déplace avec la procession, reste