Aller au contenu

Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
259
LA TROMÉNIE DE SAINT RONAN

flot de têtes rudes et carrées aux longues chevelures celtiques. Ensuite viennent les femmes, prosternées dans toutes les attitudes. On voit palpiter les ailes de leurs coiffes où le jour multicolore des vitraux met de chatoyantes irisations. On dirait un vol d’oiseaux de mer engouffré dans l’église. Et des chants se traînent en notes éplorées, des chants pareils à des mélopées barbares, très graves et très doux.

De midi à deux heures, il se produit une sorte de détente. C’est un rude pardon que la Troménie, et où l’on ne doit ménager ni sa sueur, ni sa peine. On n’y gagne pas que des indulgences, mais encore un robuste appétit. L’air vif des hauteurs, aiguisé de salure marine, et quelque cinq lieues par les ravines et les landes vous dilateraient l’estomac d’un citadin ; à plus forte raison, d’un rustique. D’ailleurs, il n’est point de concours religieux en Bretagne qui n’aille sans un semblant de liesse profane. Donc, tandis que l’église se vide, les auberges s’emplissent. Trouve place qui peut. D’aucuns vont s’installer hors bourg, à l’ombre d’un pan de mur, emmi les